" Je savais que Papa était trop gentil. Mais de là à m'envoyer une nounou ? Pour qui me prend t-il ! Cela dit, la viande qu'il va me chercher chaque jour est délicieuse. Lui aussi, à l'air délicieux. J'en croquerais bien un bout... Stupide Homme-Lézard ! "
Dans le nord, loin loin dans le nord, dans la zone des grandes montagnes, là où les nains bâtissaient leurs forteresses et là où les humains nordiques chassaient, les trois cavaliers cheminaient le long du torrent glacé de ce versant de la montagne. Enrobé dans sa lourde cape de fourrure, le premier se tourna afin d'observer ses compagnons. Avec sa cicatrice à l'oeil et sa barbe noire hirsute, le second ressemblait à un ours. Sa monture, un splendide étalon du nord blanc semblait d'ailleurs bien pressée de ce débarrasser de cet encombrant cavalier. Tout deux se connaissaient, ils étaient cousins. Quand au troisième ? Eh bien, c'était un nain grognon monté sur mule qui se demandait encore ce qu'il était venu faire dans cette région froide. Tous trois regagnaient la civilisation, au creux des montagnes. Mais faire voyage seul n'était jamais sûr... C'est pourquoi ils avaient décidés de faire route ensemble.
Le blizzard, les animaux sauvages et les bandits rendaient dangereuses, les escapades dans les vallées gelées, lieu propice à l'embuscade. Il n'était pas rare de trouver des dépouilles gelées, des armes brisées ou bien des ossements sous la neige. Quoiqu'il en soit, ces trois cavaliers n'étaient pas tranquilles. Leurs montures abordaient un comportement étrange. Elles s'agitaient de manière inquiétantes et se plaignaient. Les animaux étaient les premiers à sentir le danger. Le nain s'agita à son tour et somma qu'on se dépêche d'avancer, que tout cela ne lui disait rien qui vaille. Devant eux, les deux nordiques avaient les yeux rivés vers le ciel. Le tonnerre claquait parmi les nuages noirs et le vent balayait la neige, rendant la visibilité quasiment nulle. Mais ces habitués des environs savaient trop de choses pour tenter de ne pas être prudent. Si quelque chose surgissait, ils devraient s'abriter le plus vite possible, inutile de tenter de fuir un animal disposant de son flair dans une tempête de neige à la visibilité de quelques mètres.
Un autre claquement de foudre puis une sorte de battement lointain mais régulier. La mule du nain commença à brailler de manière affolante, ce qui n'eut pour effet que d'énerver encore un peu les chevaux à poils longs des des humains qui calmèrent leurs montures à grand coups de rêne et de cravache. Le battement sembla se rapprocher, et dés lors, les deux nordiques se fixèrent, louchèrent vers le ciel avant de sauter de leurs montures et de se précipiter vers le flanc de la montagne, en direction d'une caverne gelée, sous les yeux d'un nain médusé dont la mule hurla et l'éjecta dans la neige. Relevant sa face et sa barbe désormais blanches de neige, le nain observa en face de lui les chevaux pris de panique s'enfuir au loin. Le battement était maintenant très proche. Les silhouettes des chevaux se faisaient apercevoir au loin... Puis...
Surgissant des cieux, de la tempête, peut-être même des entrailles de l'air même, l'énorme ombre d'un Dragon s'abattant sur sa proie dans un fracas gigantesque apparut. La forme du cheval, attrapée par l'une des pattes arrière monstrueuse de se monstre commença à s'envoler dans le ciel alors que le battement reprenait. Abasourdi, le nain ne put que regarder médusé la scène de l'étalon emporté par la bête des cieux. Bientôt, il ne put plus rien voir. La panique l'envahit et il se pressa de courir vers la caverne gelée dans laquelle s'était réfugiée les nordiques. Simple marchand rentrant chez lui, ce nain s'était fait dessus.
Majestueuse créature de l'air, monstrueuse et pourtant fascinante, le Dragon emporta sa proie capturée et impuissante vers son antre, par delà les nuages, au sommet d'une haute montagne, dans une cavité naturelle creusée à même. Angelus, Dragon rouge, femelle, se posa lourdement dans son logis et n'attendit pas plus longtemps. Elle dévora l'animal en deux bouchées conséquente en songeant à ce qui ferait son prochain repas.
Cela faisait maintenant six cent soixante cinq ans qu'elle rôdait dans ces montagnes. Depuis sa naissance jusqu'ici. Elle avait eut un père, guère de mère, probablement morte lors de la ponte en ces lieux froid. Pas de frères ni de sœurs, le gel avait détruit le reste de la portée. Restait donc le paternel, un certain Grizhorn, Dragon étrange adorant le calme et la tranquillité et ne se bougeant que pour aller se nourrir. Très tôt, elle avait montré son envie de sortir de sa grotte pour explorer le monde, mais son père l'en avait toujours empêché. Il prétendait que le monde était un endroit dangereux qui ne pouvait s'offrir qu'a ceux qui étaient vraiment préparé. Et toute jeune dragonne énergétique et avide de s'envoler qu'elle était, elle avait bien sûr rapidement échapper au contrôle de son père pour s'envoler de ses propres ailes.
Elle regrettait cet acte. Il s'était produit un soir, après un certain désaccord survenu entre les deux. Grizhorn avait toujours eut l'étrange manie de faire des aller retours entre son antre et un lieu rempli d'hominidés et d'êtres humanoïdes. Plusieurs fois, il avait tenté d'expliqué qu'il était apparemment l'un des fondateurs d'un ordre qui combattait les Démons ou d'autres créatures sortit de l'imagination trop nourrie d'un scribe en manque d'action. Angelus, ou plutôt Manah, son vrai nom, n'avait jamais crut un mot à tout ceci. Pourquoi Angelus ? C'était ainsi que Grizhorn l'appelait, il prétendait qu'elle aurait un important rôle à endosser, quand il mourrait. Mais pour Manah, tout ceci provenait surtout de l'imaginaire d'un vieux Dragon veuf qui ne savait plus quoi faire de ses journées. Elle s'était donc détachée de lui un soir, après une longue discussion.
Elle le regrettait car plus tard, lorsque le temps de se nourrir et de se loger était venu, elle s'était rendu compte que le problème « humain » était plus conséquent qu'elle ne le pensait. Ce fut à coups de carreaux d'arbalètes et d'arcs qu'ils la chassèrent de leurs terres. Son escapade avait duré au total près d'une semaine. Résignée et regrettant sa fugue, Manah s'était alors retourné vers le domicile familial. Mais à sa grande surprise, il était déjà vide...
Grizhorn n'était plus jamais apparut dans sa vie depuis ce soir là. Elle comprit alors qu'il s'en était retourné auprès de son travail. Manah comprit alors qu'elle avait peut-être prit un peu trop à la légère les paroles de son père. Il lui avait laisser sa chance et elle avait craché à la figure de Grizhorn en le traitant de menteur. Ainsi, il était partit là où il pouvait encore être utile.
Elle du vivre avec ce poids sur le cœur tout le reste de sa vie.
Ce qui l'entraîna dans sa vie actuelle : Celle d'un Dragon solitaire tentant de survivre par tout les moyens dans les montagnes, enchaînée à son antre.
Angelus ne voyait qu'une succession de routine dans sa vie. Condamnée à vivre éternellement avec la peine d'avoir été indigne et indisciplinée.
Mais en parallèle, alors que Grizhorn à enfin désigné celui qui sera son disciple pour le succéder dans sa tâche de lutte contre le démon, un nouvel élément vient d'entrer en jeu : une simple promesse, celle d'un apprenti dévoué à son mentor mourant. Sans qu'elle ne le sache, l'histoire d'Angelus vient de prendre un tournant considérable. Foulant de son pas la neige fraîche des terres du nord, le visage caché par son casque, l'être tant annoncé par les paroles de Grizhorn se retrouve étrangement mêlé à une antique légende oubliée par tous et pourtant tellement authentique. Mais l'histoire tant répétée et comptée par l'ouvrage d'une civilisation à l'origine d'une autre sera t-elle cette fois ci la même ? Et si la nature même de ses principaux acteurs avaient changée ? Si le cercle infernal c'était transformé en spirale ayant enfin une conclusion ?
Indirectement liés dans l'avenir, l'Angelus et le Prince Triste se réuniront encore une fois... Mais quelle proportion prendra cette fois-ci les ténèbres insondables tant redoutés par l'ouvrage ? Et qu'elle forme prendront les Germes de la vie si peut qu'ils reviennent un jour ? Ceci, seul la résolution d'un conflit de sang et de cœur le dira.