Il y avait à présent trois semaines de cela, la décision de Memphis l'avait agréablement surpris. Il avait pu voir l'engrenage des influences se mettre en marche pour aboutir à ce résultat : Le sombrelame n'était plus désormais que la proie exclusive de sa maîtresse. Ils avaient quitté Akkaron l'heure qui avait suivi l'annonce de la trahison. Ce fut la seconde fois qu'Ahiyyad monta à dos de Knag, et la sensation lui déplaisait toujours autant. Bien sûr ces bêtes étaient rapides et efficaces, mais il ne les appréciait guère. Elles ne lui inspiraient que du dégoût.

Faros, le favori de Memphis avait ri devant la répugnance de l'oriental.

"Ce sont des montures parfaites pour nous autres nocturnes. Mais peut-être n'es-tu pas vraiment des nôtres au final" avait-il craché, goguenard. Puis il était monté en selle et Al-Fahd avait bien dû l'imiter. Ensembles ils avaient rejoints la fomoire, puis s'étaient mis en route.
Trois nocturnes, dont une fomoire, partis pourchasser un déserteur. Voilà qui détonnait avec la sobre rigueur qui était de coutume à Serkheim lorsqu'il s'agissait de traiter les affaires délicates. Mais les Fomoires avaient une liberté de mouvement totale, et étant donné l'absence d'obstacles le long de la route, il semblait que nul ne s'était opposé à son départ improvisé.

La chevauchée jusqu'au Duché de l'Exil avait duré quatre jours, ponctués de courtes pauses. L'oriental avait apprécié cette étape, elle avait mis son endurance à l'épreuve, et sentir les brumes du matin vous fouetter le visage tandis que vous galopiez à toute vitesse était l'un de ses rares plaisirs. Il s'était senti lavé de l'ambiance oppressante de la capitale, de ses intrigues, de ses secrets sordides.
Il n'était plus que Mouvement.

Lorsqu'ils atteignirent la frontière, ils se dirigèrent vers une bourgade où ils contactèrent discrètement un agent nocturne, qui leur fournit de vieilles capes miteuses à enfiler par-dessus leurs sombres atours. Memphis rechigna quelque peu, sceptique, mais se laissa convaincre par l'agent. Puis ils repartirent, en direction de la capitale où le renégat s'était dirigé d'après diverses sources d'informations.

Cette fois-ci, plus question de folles galopades. Il s'agissait de se faire discret, les hommes n'ayant nul besoin de savoir qu'une Fomoire et ses séides se trouvaient parmi eux. Les opérations des Nocturnes ne regardaient qu'eux. Les trois vampires évitèrent donc les routes et coupèrent à travers champs, bois et forêts. Ils progressaient moins vite le jour que la Nuit, et s'arrêtaient parfois pour permettre à leurs montures de se reposer. Pendant ce temps, la fomoire continuait d'initier le vicaire aux arcanes umbromantiques. Le vampire peinait, mais les progrès se faisaient sentir. Il parvenait presque à repousser les ombres par les ombres au cours de leurs séances endiablées. Faros lui serait d'adversaire parfois, il maîtrisait étonnamment bien les ombres et Ahiyyad suspecta qu'il avait été le premier élève de la fomoire.

Il n'appréciait pas ce Faros, et ce dernier le lui rendait bien. Ce personnage lui était antipathique de par son caractère servile, presque...sournois. Lorsqu'ils chevauchaient côte à côte, ils s'ignoraient superbement, se jetant de temps àautres de petits coups d’œils mesquins.
Viladra était consciente de cette situation et s'en amusait fortement. Elle avait constaté que l'oriental était plus combattif lorsqu'il devait esquiver les ombres de Faros, elle avait donc fait en sorte de les confronter aussi souvent que possible. Ainsi les deux vampires apprirent à se connaître au travers de leurs affrontements.

Ils ne s'en méprisèrent que plus. Et l'oriental n'avait qu'une hâte, celle de l'affronter et de l'écraser.

Mais ces années passées à servir d'abord Sayeb puis Serkheim lui avaient enseigné la discipline, et il s'efforça de contrôler ses pulsions, au moins jusqu'au terme de la mission.

Aux alentours de Rockford, ils rencontrèrent un autre contact qui leur indiqua que la cible semblait se diriger vers les grandes plaines, et serait facilement rejoint s'ils obliquaient en direction des falaises de Forine. Ce qu'ils firent diligemment.

Quelques jours plus tard, aux environs de minuit, Faros revint de son repèrage.

"Nous l'avons trouvé", leur annonça t-il sobrement.

L'oriental et Memphis cessèrent aussitôt l'entraînement et le suivirent, laissant leurs montures attachées. Ils traversèrent une étendue herbeuse éclairée par la lune fantomatique et se tapirent au sommet d'une petite butte. D'un signe Faros leur fit comprendre que le sombrelame se trouvait juste derrière. Ils risquèrent un oeil et virent en effet un homme seul qui s'exerçait à la lumière lunaire. Sa lame sifflait, rompant le silence relatif règnant sur la plaine.

"Je l'ai observé, murmura Faros à titre informatif. C'est un Nocturne, il sait se battre à l'épée et il à pris soin de laisser le moins de traces possibles. Cela ne peut être une coïncidence. Dame ? Que faisons-nous ?"

Ahiyyad sentis la fomoire réfléchir tandis qu'il serrait les poings. C'était une bonne chose qu'ils se soient échauffés. Puis, confronter ce sombrelame le soulagerait des pulsions qu'il entretenait à l'égard du bras droit de sa maîtresse. Il expira doucement. Quelle que soit la volonté de la Fomoire, il était prêt.

Lao quittait Rockford, enfin. La clé de son existence se cachait peut-être dans une forêt à quelques lieues de la capitale des hommes. Oh cela représentait deux jours, disons plutôt deux nuits de marche, mais cela l'importait peu, il n'avait jamais été si proche de son destin en 40 ans de vie... Plutôt de renaissance.

"Renaissance... Renaissance de quoi? Ma vie n'a jamais été qu'une suite d’échecs, jamais je n'ai pu défendre ce que je trouvais juste. L'homme est corrompu jusqu'à la moelle. Les vampires le sont tout autant. Comme chaque race de ce monde, nul n'est capable de préférer la justice au profit." Se disait celui-ci tout en marchant.

A mesure que la ville ne devenait que fourmilière à l'horizon, Lao ressassait ses vieux souvenirs. Il n'avait jamais senti autre chose que d'être une coquille vide. Il n'avait jamais pu être ce qu'il voulait être. Alors il payeraient tous. Il passa une première nuit tranquille, par chance, les tavernes, auberges et autres abondaient sur les routes de la capitale. Il se paya la chambre avec les quelques pièces qu'il avait trouvé chez les vieux. Malheureusement, ces derniers n'avaient plus d'argent et devaient donc s'approvisionner autrement. Peut-être était-ce les voisins qui leur apportaient de quoi subvenir à leurs besoins... Le visage d'Adana lui revint en tête. Allait-elle s'en sortir, seule? Il l'avait peut-être quitté précipitamment.

"Mais que m'arrive-t-il? Son sort ne devraient pas m'atteindre. Il ne devrait même pas attirer mon attention."

Lors de la deuxième nuit, il arriva à l'orée de la forêt. La forêt d'Opale. Quel drôle d'appellation. Le nocturne se demandait quelle aventure y avait-il pu se passer pour porter un nom si ridicule. Quoiqu'il en soit, il n'était pas encore minuit. Il repéra là-bas le tronc d'un arbre arraché à sa terre, alors il s'y assit, ne sachant pas trop quoi faire. Il n'avait rien apporté avec lui. Ce qu'il pouvait apporter n'était que matériel, les vestiges d'une rencontre qu'il jugeait sans grande importance, et d'une vie parmi la race qui le trahissait à présent. Il se leva brusquement, ne tenant plus de ne rien faire, et choisit de s'exercer à l'épée sur un tronc d'arbre. La lame fendait les arbres, l'écho ses coups résonnait sur l'écorce qui en restait marquée. Pendant l'espace d'un instant, il sentit quelque chose, une présence. Mais non, elle n'était qu'une impression, et la rage que contenait Lao se réveillait, ses coups devenaient plus féroces. Mais il s'arrêta net, cette fois, la présence était bien distincte. Il tourna lentement la tête et aperçu trois vampires, dont Ahiyyad Il était accompagné d'une femme, belle créature au passage et d'un autre vampire qu'il ne connaissait pas.

Lorsque le trio s'approcha il crut reconnaître là dame Memphis. Une fomoire, talentueuse, mais mal aimée de son entourage, en grande partie, et à ce que l'on raconte. Mais Lao n'en avait cure, le plus important était le talent. La reconnaissance n'apportait rien ou tout au mieux n'était qu'éphémère.

"Bonsoir, sombrelame… Dit-elle, mielleuse. De nombreuses réponses manquent à mes questions et elles concernent toutes le même sujet…

Lao savait pourquoi ils se déplaçaient, sa trahison, quelle trahison? Il s'était battu, c'était lui ou eux. Aussi la laissa-t-il finir son petit discours.

"… Je viens te demander les informations que tu as sur Japet. Te les demander… Ou bien, te les arracher."

Le vampire lâcha un petit "Ah?" de surprise, non pas pour l'intimidation qui était à la hauteur de la réputation de la femme mais plutôt au fait qu'elle s'intéresse aussi à Japet. Elle ne devait pas être patiente, vu ses airs . Alors Lao répondit aussi sobrement qu'elle venait de le faire:

" L'intimidation ne servira à rien, chère fomoire. Si vous vouliez me faire peur, il aurait fallu employer le "nous" et non pas le "je" pour camoufler votre intérêt certain envers Japet. Quoiqu'il en soit, je ne sais rien sur lui, si ce n'est qu'il m'a remarqué, comme pas mal d'entre nous, à notre... Naissance, il dit ce dernier mot sans cacher son dégoût. Je sais aussi qu'il est très peu apprécié par nos dirigeants et je n'en sais même pas la raison, si ce n'est qu'il ne se plie sous les lois."

Le nocturne rengaina doucement, et essuya les quelques poussières provenant de son défouloir avant de continuer, il capta le regard de Viladra, elle était belle, mais d'une beauté figée. Une façade qui cachait quelque chose... Quelque chose qui dérangeait Lao. Il croisa les bras et regarda la forêt qui se dressait devant le petit groupe. Tournant le dos à ses invités, il continua:

"Mais quel pouvoir ont vraiment nos prieurs? Il se passe des choses, des choses qui nous dépassent tous. Nous ne sommes que les pions d'un échiquier dont nous n'avons même pas conscience... Il marqua une pause. Minuit, la forêt d'Opale, voilà les dernières informations que j'ai pu glaner."

Il se retourna encore pour regarder Ahiyyad, savait-il que Lao devait être trahi lors de cette mission? N'était-il pas le petit protégé de Vlad? Lao le croisait souvent, mais ce personnage le laissait perplexe, l'on ne savait de quelles intentions il était habité et jusqu'à maintenant, le Sombrelame pensait avoir à faire avec un vampire loyal auprès de sa race:

"Quant à vous, ser Al-Fahd, est-ce pour vous assurer de ma mort, ou par intérêt personnel que vous êtes venu me rendre visite? Mes compagnons de route ont été retardé, mais la mission fut un succès, j'ai pu rencontrer l'homme masqué."

Enfin, il regarda Faros, dont il ne connaissait pas du tout l'identité, mais... Son air suffisant ne lui plaisait pas:

"Et vous... Commença-t-il, feintant l'envie de dévoiler quelque chose avant de faire une moue déçue. Vous ne m'intéressez pas."

Il leva la tête vers le ciel, l'occasion de constater qu'il commençait à neiger. Il soupira alors et regarda Viladra:

"Bon.. Il semblerai que mon destin soit entre vos mains, dame Memphis. Dit-il sans aucune émotion."

Memphis leur fit signe de la suivre puis elle s'avança au milieu des herbes folles sans plus chercher à dissimuler leur présence. Après avoir échangé un regard, Faros et Ahiyyad la suivirent, prenant soin de rester à sa hauteur. L'endroit n'était pas sûr et la formation de garde-du-corps que l'ex esclave avait reçue refaisait surface. Il faisait confiance à la fomoire pour s'occuper du sombrelame, mais les arbres et buissons les entourant semblaient receler de multiples dangers.

Lorsque la fomoire s'approcha plus que de raison du renégat, le vicaire tiqua. Mais Yrar ne semblait qu'à peine plus nerveux et ne constituait pas un danger effectif pour la fomoire. Il n'était pas un imbécile, ou bien il n'aurait jamais atteint son rang actuel.

"Bonsoir, sombrelame… De nombreuses réponses manquent à mes questions et elles concernent toutes le même sujet... Je viens te demander les informations que tu as sur Japet. Te les demander… Ou bien, te les arracher. "

Avenante, comme toujours.


" L'intimidation ne servira à rien, chère fomoire. Si vous vouliez me faire peur, il aurait fallu employer le "nous" et non pas le "je" pour camoufler votre intérêt certain envers Japet. Quoiqu'il en soit, je ne sais rien sur lui, si ce n'est qu'il m'a remarqué, comme pas mal d'entre nous, à notre... Naissance. Je sais aussi qu'il est très peu apprécié par nos dirigeants et je n'en sais même pas la raison, si ce n'est qu'il ne se plie sous les lois."

L'oriental sentit son sang bouillir à ces mots. Dire qu'il avait eu ce vicaire sous la main tout ce temps et qu'il n'apprenait qu'a présent qu'il était lié au chien des nuits.

"Mais quel pouvoir ont vraiment nos prieurs? Il se passe des choses, des choses qui nous dépassent tous. Nous ne sommes que les pions d'un échiquier dont nous n'avons même pas conscience... Minuit, la forêt d'Opale, voilà les dernières informations que j'ai pu glaner."

Ces derniers propos intriguèrent le vicaire. Un échiquier ? Peuh. Vision simpliste des nœuds d'intrigues qui se formaient et se déformaient quotidiennement au royaume vampire. Quand à ces informations...Il ne voyait pas pourquoi le sombrelame leur mentirait, il était clairement en position de faiblesse et devait avoir conscience que sa vie ne tenait qu'a un fil.
Le vicaire songea qu'il serait fort dommage que ce Lao perdit la vie ce soir de ses mains ou de celles de Faros. Il était parmi les meilleurs épéistes de la Garde à l'heure actuelle. Il avait lu des rapports concernant ses talents et c'était un officier compétent, discipliné.

"Quant à vous, ser Al-Fahd, est-ce pour vous assurer de ma mort, ou par intérêt personnel que vous êtes venu me rendre visite? Mes compagnons de route ont été retardé, mais la mission fut un succès, j'ai pu rencontrer l'homme masqué."


L'oriental avait tout ignoré des ordres du Prieur Crios jusqu’à ce que la nouvelle de la trahison parvienne jusqu'à Serkheim.
L'aurait-il su, il aurait tué le sombrelame plutôt que de l'envoyer à la poursuite de l'homme au masque. Il constituait le premier lien avec Japet qu'il avait découvert après cinquante ans de recherches.

"Bon.. Il semblerai que mon destin soit entre vos mains, dame Memphis."

Il ne croyait pas si bien dire. Le vicaire ne pensait pas que le renégat survivrait à cette soirée. Regrettable bien entendu, mais la dame n'était pas du genre à s'encombrer avec les détails. Mais il écarta ces considérations passagères pour se focaliser sur le fait que les hommes de Japet les attendaient peut-être quelque part dans cette forêt.

Leur laisserait-il une chance de s'exprimer avant de les broyer ?

-Je crois que nous pourrions user de vos talents de guide, maître Yrar, énonça t-il en tentant de contenir la violence qu'il sentait monter en lui.

Il ne devait surtout pas perdre de vue qu'il appartenait à Memphis, quoiqu'il arrive. Elle avait gagné son sang et son souffle, à la loyale. Si il se trouvait en face de Japet lui-même...Il ne pourrait bouger que si elle lui en donnait l'ordre. Le contrôle. La discipline. Il souffla imperceptiblement et attendit la décision de la fomoire.

Ainsi ne le voulait-elle pas mort... Les trois vampires ne devaient pas savoir s'ils pouvaient atteindre le groupe de Japet sans être accompagnés de Lao. Une chance pour lui, sa vie s'en trouvait rallongée. Il fut surpris par la réaction d'Ahiyyad lorsqu'il parlait de Japet. Ainsi n'était-il pas là pour Serkheim, mais bien pour lui. Lao avait toujours eu le sentiment que ce vampire cachait quelque chose. Il faisait partie des meilleurs, et était plus jeune que Lao de quelques années. Un être très intéressant donc, tout comme Viladra ou même Faros, c'était un beau petit comité qui l'avait rejoint.
Il suivit donc ses trois "tortionnaires" vers le haut de la colline et ce qu'il y vit ne lui plut pas du tout: trois knargs, ces horribles bêtes se nourrissant de chair en putréfaction, à tel point qu'elles n'étaient plus qu'immondice. Les trois créatures grognaient en lançant un regard hostile à l'attention du Sombrelame, hostilité qu'il leur rendait. Faros se tourna vers Lao après un vif regard à Viladra. Alors que Lao s'évertuait à monter non sans aversion sur la bête, Faros le tourna en ridicule:

"Épéiste, mais incapable de monter le plus docile des knargs? Je suis heureux que notre adversaire ne sois pas plus dangereux que cela.
-Vous vous plaisez à m'admirer, ser Faros? Voulez-vous donc que je vous tienne par la taille pendant la route? Repartit Lao."

C'est le moment que choisit Viladra pour lui lancer un petit pendentif suivi de ses quelques instructions que le Sombrelame prit avec sourire.

"Ce serait un regret partagé... Jusqu'à notre destination. China-t-il en fixant le petit collier."

Le groupe se mit ensuite en route, route qui parut interminable pour Lao. Gêné par son armure et inconfortable sur les créatures tout aussi maudites que sa propre race, il n'avait même pas ouvert la bouche pour énoncer quelques railleries. Lorsque le ciel se gorgea de rouge, l'on laissa les knargs se reposer et chasser. Le Sombrelame émit un petit bruit de dégoût en les voyant partir. Les vampires étant nyctalopes et leurs montures étant capables de retrouver leur chemin, il n'était pas nécessaire d'allumer un feu. Un climat tendu s'était installé le long du voyage, chacun ressassant des souvenirs ou se souciant de l'avenir. Lao avait pu déceler une certaine compétitivité entre Ahiyyad et Faros, ou même une haine, étant donné que jamais ils ne s'étaient adressé la parole ou même adressé un regard amical.

"Il est regrettable que nous nous soyons rencontré en de telles circonstances, dame Memphis. La rumeur dit que vous ne vous souciez guère d'autrui, mais c'aurait été un honneur d'apprendre à vos côtés. Et puis... Peu de fomoires se refusent à lécher les bottes de nos prieurs. Dit Lao, décontracté. Après tout, sa vie ne tenait plus à grand chose, alors pourquoi s'encombrer d'une ambiance morose?"

Ils se remirent en route quelques instants après que les knargs soient revenus. Lao repensait alors à Murdoc'h.

"Amenez de jeunes nocturnes. A la forêt d'Opale, dans la clairière de l'arbre calciné."

Savait-il que tout cela se passerait, que Lao serait accompagné? C'était possible, car le nocturne paraissait trop puissant pour lui dire "amenez de jeunes nocturnes" tout en sachant que le renégat était seul. Les pions avaient donc commencé à bouger? Le vampire était toujours impatient que cela arrive, mais devant les faits, il fallait reconnaître que l'appréhension le guettait. Mais il fut sortit de sa torpeur lorsque la forêt apparu à l'horizon. Ils y seraient au soir.

Quelques instants avaient passé depuis la rencontre délicate entre le sombrelame et la fomoire accompagnée de ses séides. Ils étaient finalement arrivés en vue de la clairière, l'arbre mort était si grand qu'il avait été visible de loin. Des bruits étranges leur parvenaient, de brèves exclamations. Ils n'étaient pas seuls dans cette forêt. Lorsque les quatre Nocturnes s'avancèrent dans cette immense clairière, ils se trouvèrent face à un spectacle peu commun.
Devant eux, la lune éclairait une petite centaine de Nocturnes torses nus pratiquant le combat sur un large terrain herbeux. Ils s'entraînaient sans discontinuer, bondissant, frappant, tournoyant. Il se dégageait de cette scène nocturne une énergie presque bestiale...dérangeante. Un peu derrière la zone d'entraînement se dressait ce gigantesque arbre mort, qui dominait de ses branches les recrues. Au sein de ses ramures, cinq silhouettes noires étaient perchées, supervisant visiblement les évènements. L'un deux parut apercevoir le petit groupe puisqu'il poussa soudainement un sifflement strident. A cet étrange signal, les Nocturnes stoppèrent net leurs activités et se tournèrent vers les étranges occupants de l'arbre.

-Nous avons des visiteurs, frères. Laissez-nous.

Celui qui venait de parler était le plus grand des cinq. Sa voix était dure et lancinante, a son ordre, les Nocturnes rentrèrent sous le couvert des arbres silencieusement.

Les Cinq alors sautèrent à terre et firent face aux intrus.

-Qui sont-ils ? Mes frères, nos sortilèges auraient-ils failli ?
-La Voix n'avait parlé que d'un seul Nocturne.
-Voici donc le sombrelame...venu en bien étrange compagnie.
-Frère Novus, devons-nous craindre un...
-Non, ils sont seuls. Je ne distingue nulle troupe armée.
-Le seigneur doit en être informé. Le seigneur !
-Silence !

Le plus grand avait à nouveau parlé et à nouveau son timbre aigu et sifflant avait vrillé les tympans des intrus. Il se nommait Methri, c'était lui le responsable de ce camp secret, secondé par quatre de ses frères. Autrefois Haut-Vicaire, il avait ouvert les yeux sur les Prieurs et Serkheim après que la Nuit en personne lui était apparue. Du moins, c'était ce qu'il aimait prétendre. Il avait prévu la visite du Sombrelame, pas qu'il serait accompagné. Ce vampire à l'air pédant tout à droite ne l’inquiétait pas outre-mesure...Mais cette femelle au centre lui semblait trop sûre d'elle pour ne représenter qu'un risque mineur. Il ne savait quoi penser de l'homme à sa gauche. Quelque chose dans son attitude, son faciès...

-Ce chien de Murdoc'h devait s'occuper des gêneurs...

Ses compagnons sifflèrent en signe de réprobation. Parler en ces Termes de la Voix était inconvenant ! Mais leur chef pouvait se le permettre. La Nuit ne connaissait que peu de fidèles plus assidus à la servir que lui. Et le Maître avait daigné lui parler voilà quelques années...Peu pouvaient s'en vanter.

-Vous que la Nuit à guidé jusqu'ici, chiens des Faux Prieurs ou fiers loups de Nyx. Nommez-vous, vous et vos allégeances ! Clama Methri a l'intention des nouveaux venus.

Il leva une main blafarde et ses alliés en firent de même. Quelques chuchotements plus tard, une armée d'ombres frémissantes se tenaient derrière les vampires, prenant des formes aussi variées qu'inquiétantes. Si les réponses à ses questions ne satisfaisaient pas Methri, il y avait fort à parier qu'il en ferait usage...

Des centaines de visages se tournèrent vers le petit groupe de quatre. Cette sensation offrit à Lao un frisson à la fois de plaisir et de crainte. De quoi étaient capables chaque individu? Comment pouvaient-ils s’entraîner ainsi sans que personne ne s'en aperçoive? A nouveaux, les questions sans réponse affluaient.
Mais l'heure était aux présentations. Et les silhouettes malveillantes qui oscillaient entre les ombres des arbres ne présageaient rien de bon:

"Je me nomme Lao Yrar, le Sombrelame de la Garde Noire. Je suis venu prêter allégeance à Japet. Les gens qui m'accompagnent sont... Il regarda chacun des vampires et s'attarda sur Viladra, en esquissant un sourire. Il pouvait avoir les cartes en main, s'il les dénonçaient, les pauvres seraient dans de beaux draps. Malgré la puissance de la fomoire, à trois contre 100, c'était peine perdue. Mais il voulait savoir comment chacun allait se sortir de cette histoire. Sont des vampires qui ont voulu m'accompagner et qui n'ont nullement besoin qu'un autre ne les présente."

Methri lorgna sur l'épée de Lao avant d'esquisser un sourire. Il s'avança en direction de ce dernier. C'était un vampire plus grand que lui. Il était châtain clair et ses cheveux rasés très court, ainsi que sa grande balafre verticale sur son oeil gauche accentuaient l'air sérieux qui parcourait son visage. Ses yeux vert de chrome perçaient à travers ceux de Lao pour y apercevoir ses intentions. Il était vêtu d'une armure comme on en voyait peu. Un savant mélange entre cuir et acier, ses cuissards étaient en cuir sur lesquels des pièces en acier étaient attaché par des petites sangles. Le plastron en revanche était fait en acier, lui donnant l'air d'une forteresse imprenable et finissant en une taille qui devait assurer confort et solidité. Même ses gants, finissant en mitaines alliaient parfaitement les deux composants, puisque renforcé aux coudes mais ne paraissant pas brider ses mouvements. Sur une de ses épaulières trônait une réplique d'un crâne d'une créature inconnue de Lao, qui possédait trois cornes (de véritables cornes avaient été ajoutées sur l'armure). Dernier détail esthétique, une grande cape déchirée flottait au vent.

Spoiler:

"Le Sombrelame, hm? Novus s'occupera de ton cas."

Celui qui s'appelait Novus s'avança aussi vers Lao:

"On dirait bien que tu pourrais être mon premier disciple... Que la nuit te guide. En attendant, JE vais te guider."

Ce vampire là était contrairement à l'autre de la même taille que Lao, voire même plus petit que ce dernier. Il faut dire qu'il se tenait de façon légèrement courbée, ce qui était plutôt dérangeant. Ses cheveux étaient blancs et son visage à moitié caché par un bout de tissu gris taupe. ses vêtements étaient légers, indiquant sa façon de combattre: agile, précis, sans forcer. Il était d'ailleurs connu pour avoir tué un ennemi par la fatigue. Redoutable adversaire, donc. Il avait dans son dos des lames doubles: mélange entre l'épée et la dague. A son bassin pendait un semblant de cape, qui semblait être de la même provenance que celle de Methri.

Spoiler:

"Lao Yrar, jures-tu fidélité devant la Nuit que tu servira de ta vie ou de ta mort ses desseins?"

Lao paru surpris de cette soudaine formule solennelle mais dégaina, planta sa lame dans le sol et mit un genoux à terre. La capuche de sa cape était retombée sur sa tête, la cachant complètement.

"Je le jure, répondit-il.
-Nous réglerons ça plus tard, Novus. Rétorqua Methri. Nous avons là trois invités qui ne s'étaient pas annoncés..."

Dès l'instant où les cinq silhouettes avaient porté leur attention sur eux, le vampire s'était senti mal à l'aise. A dire vrai, le spectacle de ces nouveaux-nés s'écharpant a demi seul l'avait mis mal à l'aise. Mais ces vampires-ci dégageaient une étrange aura...qui l'attirait et l'effrayait à la fois. Lorsqu'ils s'étaient avancés il les avait détaillés. Dangereux, surtout le grand qui semblait commander et son acolyte, celui qui était accoutré comme un assassin.
Le chef les interpella d'un ton qui ne souffrait aucun délai. Ses camarades se permirent pourtant de garder le silence...Jusqu’à ce que le sombrelame ne s'aventure au devant des inconnus. Il parla, et l'oriental comprit qu'il allait se faire recruter par ces nocturnes. Quelques instants plus tard, le jeune vampire jura fidélité à la Nuit Vraie.

Ahiyyad hésita a interrompre cette mascarade, puis se rappela qu'il n'était ici qu'en qualité d'escorte pour Memphis. L'heure n'était pas à l'excès, il pourrait toujours trouver un moyen de traquer le sieur Yrar et ses nouveaux compagnons d'une manière ou d'une autre.

Mais, secrètement, il se prit à espérer que sa maîtresse ne lui ordonne de fondre sur ces traîtres. Avec quel plaisir il tordrait le cou de ces larves arrogantes... Ils s'étaient référés à un certain "Maître" tout à l'heure. Il avait senti toute la crainte et l'adoration que l'imbécile avait mis dans ce seul mot... Il ferma les yeux et inspira.

Faros prit la parole, sèchement, mais Memphis s'avança a son tour et l'interrompit. Curieux manège. Qu'avait voulu faire le grand vicaire ? Se faire passer pour le chef de leur groupe ? Quoi qu'il en soit, il avança a son tour et vint se lacer à la gauche de la Fomoire. Il soupçonnait les nocturnes en face de pouvoir franchir la distance qui les séparait en quelques secondes. La sécurité de Memphis était encore sa priorité.

"Bien le bonsoir à vous… Pardonnez mon ami, il est très impulsif en ce moment. La faim, vous comprenez…"

La faim ou la témérité.

"Tout d’abord, il est inutile de voir en nous des amis. Mais non des ennemis non plus. Je suis venue m’entretenir avec l’un des dirigeants de cet ordre et non des subalternes de moindre envergure… En faites-vous partie ou dois-je trouver d’autres moyens d’être entendue… ?"

Êtes-vous certaine de vouloir emprunter ce chemin, Memphis ? Nul n'a encore bien compris où il mène, pas même Celui qui le trace.


"Quant à notre allégeance… Inutile que je vous la donne car je n’en possède ni envers vous… Ni envers Serkheim ou qui que ce soit d’autre. "


Voilà qui peinerait assurément le seigneur Astérion.

"Mais faisons les choses dans l’ordre, nous sommes partis sur de mauvaises bases. Mes amis et moi-même avons de fortes chances de penser que nos… objectifs pourraient correspondre, sur certains points du moins, à ceux de votre éminent dirigeant… Je ne suis donc pas venue proposer mes services et jurer fidélité à je ne sais quoi, mais proposer… une coopération qui, j’en suis certaine, satisfera chacun. Mais évidemment, il s’agit du genre de choses dont on ne parle pas à… n’importe qui. "

Joliment tourné, dame. Voyons s'ils sont d'humeur joueuse...

En face, c'est un concert de chuchotis. Trois des chefs sont assemblés autour de celui qui a pris la parole, et échangent vivement à voix basse. L'autre, ce "Novus", gardait la fomoire et son escorte a l’œil, jetant de temps à autre un regard circonspect à son "élève". Au bout de quelques minutes de délibérations, les quatre se tournèrent finalement vers l'impudente. A nouveau le plus grand d'entre eux s'avança, et a nouveau il s'adressa a Memphis :

"Qui es-tu impudente, et que sais-tu de notre maître ?? Réponds ! Qui est-il, hein ?"


A ces mots, l'oriental s'avança, mû par une force indicible, la même qui l'avait poussé à vouloir les tuer tout à l'heure. Memphis tourna la tête, sans doute irritée qu'il intervienne. Mais en cet instant le vampire n'avait cure de ce qu'elle pouvait penser. Il n'était plus ici, dans cette nuit faussement paisible, mais plongé dans la tourmente de ses souvenirs. Devant ses yeux, un fou haranguait les flammes. Un fou au visage de mort.

"Il est celui qui n'adore pas et qui hante les forêts."

Et la cité avait crié, en proie au feu dévorant. Le vent soufflerait bientôt sur ses ruines...

"L'esprit libre, l'ennemi des entraves. Celui qui est haï par le peuple, comme le loup est haï par les chiens !!"

Une expression de haine pure s'était peinte sur son visage tandis qu'il avait hurlé les derniers mots à la face de ces abrutis. Ils le dévisagèrent, et, revenu à lui, il vit l'effroi se peindre sur les traits de trois d'entre eux.


- Les mots... Il connaît les mots... chuchota leur chef, lui-même hésitant. C'est chose impossible, un seul a pu...

Il s'interrompit et parut réaliser quelque chose. Alors il se tourna a nouveau vers la Fomoire et s'apprêta à parler.

Comme un seul homme, Methri et les siens avaient tressailli lorsqu'ils avaient entendu les mots de leur maître dans la boche de ce vicaire inconnu. Qui était-il ? Par quel sortilège pouvait-il connaître ces sentences ? Il semblait au rebelle que l'on venait de le poignarder dans le dos. N'était-il pas le seul, avec quelques uns, à avoir eu le privilège d'approcher la maître et d'entendre son message ? Choqué, il eut cependant le réflexe d'étudier de plus près la physionomie de son interlocuteur.

Un oriental. Jeune, sans armes.

Pouvait-il être le Premier ?

-Sayyadina.

Novus avait calmement jeté ce nom a la face du Nocturne, qui blêmit visiblement. Il en était venu aux mêmes conclusions que Methri. C'était donc bien ça... Voilà qui changeait quelque peu les choses. Methri se recomposa une expression neutre avant de prendre la parole.

-Vous êtes vraisemblablement venue ici en parfaite connaissance de cause Dame, siffla t-il ignorant volontairement l'oriental. Vous ne tenez pas a prêter allégeance. Soit. En temps normal, j'aurai ordonné votre mise a mort mais...(il jeta un bref coup d’œil au sombrelame puis au vicaire) vous n'êtes manifestement pas des espions.

Un de ses compagnons acquiesça, laconique :

-Leur langue n'a pas menti.

-Par conséquent, grogna le guerrier, je consens à présenter votre proposition à mes pairs. Si la Nuit Profonde en décide ainsi, un de nos hommes vous contactera, et vous fera connaître les termes du marché que nous passerons. Mais, Dame...Nous aurions besoin de votre nom. Vous savez beaucoup de choses sur nous a présent, et il serait préférable que nous sortions de cet entretien sur un pied d'égalité, conclut-il d'un ton sans appel.

Alors que Lao se relevait suite à la petite cérémonie ayant vocation à prouver sa bonne foi, Viladra entama ce que chacun pouvait interpréter comme les négociations. Le discours qu'elle porta aux cinq dirigeants du camp de rebelles arracha un sourire au Sombrelame qui appréciait le spectacle. Cette fomoire pouvait passer pour une teigne arrogante mais elle sondait ses adversaires avec une finesse impressionnante. La nocturne parvenait ainsi autant à faire passer des informations qu'à questionner en une phrase.

"Quant à notre allégeance… Inutile que je vous la donne car je n’en possède ni envers vous ni envers Serkheim ou qui que ce soit d’autre."

Ainsi, elle s'allie au plus offrant. Memphis confirma ses dires en finissant son discours:

"Mais faisons les choses dans l’ordre, nous sommes partis sur de mauvaises bases. Mes amis et moi-même avons de fortes chances de penser que nos… objectifs pourraient correspondre, sur certains points du moins, à ceux de votre éminent dirigeant… Je ne suis donc pas venue proposer mes services et jurer fidélité à je ne sais quoi, mais proposer… une coopération qui, j’en suis certaine, satisfera chacun. Mais évidemment, il s’agit du genre de choses dont on ne parle pas à… n’importe qui."

Un jeu dangereux, compléta Lao. Elle ne saurait agir directement sur le déroulement de Serkheim ou des rebelles sans s'attirer les foudres de l'autre camp. Que pense-t-elle tirer de ce conflit... Le Sombrelame posa un regard dur sur la femme avant de préciser ses pensées. Le pouvoir.

Cette conclusion intrigua le vicaire. La considérerait-on seulement comme participante au conflit? Sera-t-elle vue comme simple traîtresse, agent double ou servante d'un parti ou de l'autre ou la traiterait-on avec les honneurs? Rien n'était moins certain et encore fallait-il qu'Ahiyyad ou Faros la suive dans ce périlleux plan. Lao remarqua à ce moment que le bras-droit de la fomoire lui lançait un regard habité par la haine. Sûrement la déception de savoir que le jeune vampire se sortirai vivant de cette entrevue. Mais le Sombrelame y détecta autre chose: de la crainte fut-ce dû à son intervention malvenue ou à la scène en général. Quoiqu'il en soit, il serait certain qu'il suivît Viladra. Il semblait lui vouer une admiration et une loyauté sans faille. Des qualités rares et appréciables. Quant à Ahiyyad, difficile d'appréhender ses sentiments. L'oriental devait avoir reçu une éducation spéciale pour ainsi cacher ses sentiments.

"Qui es-tu impudente, et que sais-tu de notre maître ?? Réponds ! Qui est-il, hein ?" Dit le plus grand des cinq, une masse qui semblait pouvoir briser n'importe quelle garde.

Alors Ahiyyad s'avança, créant la surprise parmi les protagonistes.

"Il est celui qui n'adore pas et qui hante les forêts. L'esprit libre, l'ennemi des entraves. Celui qui est haï par le peuple, comme le loup est haï par les chiens !!"

C'est ici que se trouve sa limite... Japet est un sujet sensible pour lui.

Alors que la recrue s'attendait à une réaction violente de la part de ses nouveaux compères, il se trouva d'autant plus surpris qu'un frisson parcouru ceux-ci.Comment le vicaire pouvait-il parler ainsi de Japet et leur arracher un frisson? Un sens caché dans ces mots échappa à Lao, et cela ne lui plut pas du tout, il ne put s'empêcher de froncer les sourcils et chercha du regard Viladra ou Faros, qui semblaient aussi désemparés que lui. Non seulement Ahiyyad connaissait l'existence de Japet, mais il avait aussi connaissance d'information que le Sombrelame ignorait. Ce qui ne pouvait démontrer qu'une chose, il lui était apparu également. Cependant, plusieurs choses attirèrent l'attention du nocturne, notamment l’hostilité que l'oriental éprouvait pour le groupe de Methri, palpable presque lors de l’allégeance de Lao. Ainsi Japet n'était pas apparu sous les mêmes conditions pour Ahiyyad que pour le centenaire. Qu'avait-il fait pour que le compagnon de la fomoire le déteste à ce point? Il pouvait s'agir d'une tromperie de Serkheim à son égard... Mais il ne semblait pas plus attaché à Serkheim. Le Sombrelame se rendit compte que beaucoup de choses lui échappaient encore et qu'il devait affûter ses aptitudes et son savoir afin de dénouer cette intrigue.

"Sayyadina", lâcha alors Novus, attendant une réaction qui vint, comme prévu.

L'oriental blêmit et Lao se surprit à déceler une forme d'admiration pour le nocturne masqué. De tous, il paraissait le plus calme. L'individu semblait être un concentré de pragmatisme. Ses interventions étaient rares mais utiles ou, à défaut, déstabilisantes. Le vicaire apprendrait beaucoup de lui. Mais cela n'expliqua pas pour autant la signification de ce mot qu'il ne manquera pas de demander plus tard.

"Vous êtes vraisemblablement venue ici en parfaite connaissance de cause Dame, vous ne tenez pas a prêter allégeance. Soit. En temps normal, j'aurai ordonné votre mise a mort mais...(il jeta un bref coup d’œil au Sombrelame puis au vicaire) vous n'êtes manifestement pas des espions."

Voilà un meneur conciliant, se dit Lao en croisant le regard de Viladra qui retourna à son interlocuteur.

"Leur langue n'a pas menti." Dit l'un des leurs, comme s'il était absent de la conversation et citait quelque livre.

"Par conséquent, je consens à présenter votre proposition à mes pairs. Si la Nuit Profonde en décide ainsi, un de nos hommes vous contactera, et vous fera connaître les termes du marché que nous passerons. Mais, Dame...Nous aurions besoin de votre nom. Vous savez beaucoup de choses sur nous a présent, et il serait préférable que nous sortions de cet entretien sur un pied d'égalité," conclut Methri d'un ton sans appel.

"Voilà une réponse à laquelle je peux me permettre de répondre sans crainte…" Déclara-t-elle avant de dévoiler son identité.

Hm... Ils sont maintenant en mesure de te retrouver. C'est une donnée qu'il faut prendre avec précaution. Partir confiante serait une erreur. Cela dit, nous ne savons pas s'ils sont en mesure de menacer une fomoire...

Et bien voilà qui me met du baume au cœur, un accord presque accepté. J’attendrai avec impatience les nouvelles de ce contact que vous m’enverrez…

Et j'espère être de la partie, songea Lao. Il serait intéressant de se recroiser.

Au plaisir de te revoir, jeune sombrelame. Cette rencontre fut aussi exquise que délicieuse… Dit-elle d'une voix des plus savoureuses. On y va. Finit-elle à l'adresse de ses deux compagnons.

Le vicaire, un peu surpris par cette formulation chercha le regard des deux acolytes mais n'y trouva aucune sympathie et même encore plus de haine de la part de Faros. Il enleva sa capuche d'un geste de la main et hocha la tête en affichant un sourire apaisé:

"Au plaisir, dame Memphis, j'espère que notre prochaine rencontre aura d'autres enjeux que ma seule vie."

Voilà qui devrait satisfaire l'ambiguïté de votre formule de politesse, habile fomoire.

Lao poussa un soupir en voyant le trio partir à dos de leurs affreux knargs, puis se tourna vers Novus.

"Commençons. Le temps est une denrée rare."